Depuis les premiers contours des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, nous rencontrons des mutations importantes au niveau des compétences, des champs d’action et des modalités d’interventions des différents échelons des collectivités, qui ont nécessairement un impact sur le secteur culturel, ses acteurs et ses projets.
Depuis 15 ans, le Théâtre de Privas s’est fortement engagé auprès de communes du département de l’Ardèche dans la mise en œuvre de deux dispositifs décentralisés de spectacles sur le territoire Les P’tites Envolées (en direction des tous publics) et Les Sorties d’Artistes (en direction des scolaires maternelles et primaires). La mise en œuvre de ces actions s’est d’abord établie en concertation étroite avec les communes partenaires puis au fil du temps auprès des communautés de communes et / ou d’agglomération.
En effet, en 2014, l’entrée en vigueur des arrêtés créant, fusionnant, supprimant ou modifiant les EPCI de la carte intercommunale nous invitait à travailler autrement. L’idée du partenariat unique « Commune-Théâtre » trouvait là sa limite et n’était plus cohérente au regard du nouveau maillage territorial et l’arrivée de nouvelles collectivités. Nous avons ainsi commencé à développer des logiques expérimentales de coopération pour se [RE]connaitre et apprendre à travailler ensemble. Il nous fallait penser la mise en réseau, définir autrement les partenariats, le partage des compétences, les modalités d’interventions de chacun, les croisements des publics afin de renforcer la cohérence et la complémentarité de nouveaux projets et ceux déjà existants au niveaux des communautés de communes ou communautés d’agglomération dont peu s’étaient encore saisis des compétences culturelles.
Ce travail d’expérimentation permanent est extrêmement chronophage pour l’ensemble des structures et membres concernés avec une hétérogénéité des statuts (élus, bénévoles, salariés) et des logiques de territoires en constantes évolutions.
A l’origine, ce sont bien la multiplicité des enjeux, les nouvelles instructions et la multiplication des intermédiaires qui nous ont amené à imaginer de nouvelles logiques de participation nous permettant de poursuivre les actions décentralisées du Théâtre de Privas sur le(s) territoire(s). Au-delà d’une nécessité conjecturelle, la mise en œuvre de nouvelles dispositions coopératives, génératrice de nouvelles dynamiques, invite à reconsidérer un projet de structure dans son rapport au(x) territoire(s).
Le lieu Théâtre est architecturalement et physiquement inscrit sur un espace défini. Si l’ancrage de ses murs marque des limites matérielles, les actions portées par nos structures interagissent bien au-delà. Les nouveaux modes de gouvernance et la refonte administrative des territoires bouleversent notre relation à ce que nous nommions jusqu’alors « Le Centre ». La terminologie « spectacle en décentralisation » n’est légitimée que dans son rapport unique et vertical du Centre au Non-Centré. Naturellement, cette notion ne trouve plus sa place au cœur de la nouvelle identité territoriale. Les actions artistiques proposées sur les territoires (spectacles, actions d’éducation artistique, résidences…) ne peuvent plus être considérées comme des actions ponctuelles « détachées ». Elles doivent être pensées de manière transversale au sein de l’organisation de nos structures.
En qualité d’assembleurs, nos structures doivent participer à la [RE]création de centres et organiser des noyaux de gravité en coopération avec l’ensemble des acteurs : Elus, agents territoriaux, relais associatifs, relais socio-culturelles, socio-éducatifs…. Dans cette démarche, l’appropriation des enjeux de territoires et par conséquent la réappropriation du projet structurel qui en résulte doivent être portées par l’ensemble des équipes qui composent les Théâtres.
Par ailleurs, si la relation verticale entretenue avec une seule collectivité pouvait être rassurante voire confortable, elle impliquait, par définition, un lien d’interdépendance laissant craindre, derrière le concept de partenariat, l’unique logique de prestation de services. Si la coopération avec les territoires et l’ensemble des acteurs qui la compose n’est pas une entreprise aisée, elle invite, davantage, à la prise d’initiatives et la redéfinition d’un projet culturel d’un Théâtre dans le temps et sur un espace élargi.
Le Théâtre de Privas a mis en œuvre des stratégies de coopération qui ont permis de faire pivoter son projet au cœur des nouvelles réalités territoriales. Si les difficultés sont nombreuses, les restrictions budgétaires réelles et les incompréhensions parfois difficiles à surpasser, l’objet « Art en territoire » de la Convention d’objectifs 2017 – 2020 du Théâtre de Privas Scène conventionnée nous encourage à poursuivre le travail engagé.
Lucie Schaeffner, Responsable des actions décentralisées du Théâtre de Privas