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La « Commission du film d’Île-de-France » est un organisme chargé de valoriser la filière audiovisuelle et cinématographique fortement présente dans la région capitale, principalement en favorisant l’accueil de tournages de films et en promouvant les savoir-faire et les talents des entreprises franciliennes. Cette commission intervient dans un contexte de forte concurrence des grandes métropoles mondiales, qui disposent généralement d’organismes similaires.
Un établissement public de coopération culturelle
Cette commission a été constituée en 2003 sous la forme juridique d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC) à caractère industriel et commercial. Mais le statut d’établissement public de coopération culturelle, créé par la loi du 4 janvier 2002, n’est pas totalement adapté à la Commission du film. Celle-ci fonctionne en réalité davantage comme un organisme associé de la collectivité régionale que comme un organisme de coopération interinstitutionnelle, d’une part, et les enjeux propres à son activité relèvent plus du développement économique que de la création et de la diffusion culturelles, d’autre part.
Le caractère industriel et commercial de son activité est donc contestable.
Le contrôle de ses comptes et de sa gestion depuis 2011 fait nettement apparaître deux périodes très différentes.
La période 2011-2015 est caractérisée par une grande stabilité
La stabilité constatée est à la fois politique et managériale (l’orientation politique de la majorité régionale et l’équipe de direction de l’établissement C n’ont pas changé depuis la création de la Commission) mais aussi financière (les volumes budgétaires et l’effectif de personnel ont été à peu près constants sur la période).
L’activité de la Commission en direction des entreprises de la région
Le projet d’établissement, élaboré par le directeur choisi dès l’origine et actualisé à l’occasion de ses renouvellements successifs, est caractérisé par une grande continuité. Cette stabilité n’a toutefois pas été sans évolution dans les modalités de mise en œuvre des missions. Outre la promotion du développement durable dans l’activité audiovisuelle et cinématographique, il en a été ainsi de l’accent mis sur la dimension collective du travail de promotion à l’international, sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et de la place renforcée de la Commission du film comme organisateur de manifestations professionnelles.
S’il est vain de chercher à isoler le rôle joué en propre par la Commission dans une activité qui fait intervenir de nombreux acteurs, il faut mentionner, au regard du nombre d’entreprises régionales, des emplois et de la masse salariale en cause, les résultats positifs qui ont été enregistrés entre 2011 et 20151 par l’établissement et le groupe Audiens qui gère les retraites complémentaires des métiers du secteur.
A défaut d’évaluation de son action, la Commission produit une description précise de ses activités, soutenue par des indicateurs pertinents, inscrits dans les conventions d’objectifs et de moyens passés avec la région.
Plusieurs manquements aux règles légales et statutaires
Divers manquements aux obligations règlementaires et statutaires ont été néanmoins observés. Les plus notables ont été l’absence de renouvellement triennal de la présidente et du vice-président (élus en 2010, ils sont restés en fonctions plus de cinq années) et le périmètre excessif de la délégation de compétences consentie au directeur par le conseil d’administration.
Cette délégation de compétences a notamment eu pour effet de permettre l’octroi de subventions à des associations sans rapport avec les missions de la Commission et sans autorisation du Conseil d’administration. De plus, à son départ, le directeur a bénéficié d’une indemnité transactionnelle qui a été signée par le président de l’établissement dans des conditions irrégulières.
Le conseil d’administration de la Commission a été peu actif au cours de la période. Le rythme annuel de ses réunions (entre deux et trois), leur durée moyenne (moins d’une heure), la présence physique des administrateurs (les administrateurs désignés par la région ont consacré en moyenne une heure et quart par an aux réunions du conseil), et le nombre des questions soumises à délibération (moins de trois en moyenne par conseil) ont été faibles. La mise en œuvre des compétences du conseil paraît avoir été de pure forme, réduite au vote des délibérations obligatoires. Le pouvoir de décision a été exercé, de fait, par le directeur ou par la région.
Une gestion fort peu économe qui a profité largement de l’aisance financière de l’établissement
La présentation du budget par nature est utilement complétée d’une comptabilité analytique élaborée par la Commission.
La situation financière de l’organisme de 2011 à 2015 a été stable. Son budget de 1,8 million d’euros (M€) en moyenne, essentiellement constitué de dépenses d’exploitation, a faiblement fluctué sur la période. La ressource majeure de la Commission a été la subvention régionale de fonctionnement, de 1,56 M€ en moyenne (en baisse de 4,3 % sur la période), qui a représenté 86,4 % du budget. Les résultats cumulés de l’établissement, représentant plus de trois mois de dépenses, permettent de qualifier la situation financière de l’organisme de confortable.
La chambre a relevé un fort dynamisme des rémunérations, révisées tous les ans collectivement et sensiblement augmentées individuellement. Compte tenu du versement de primes improprement qualifiées d’exceptionnelles mais représentant deux mois de salaire, les rémunérations des personnels de l’établissement sont élevées. Le salaire net mensuel de 50 % du personnel (4 sur 8) de la moitié des huit personnes employées est supérieur à 4 000 euros, le salaire moyen étant de plus de 4 800 euros. Aux salaires s’ajoutent des avantages sociaux croissants. Ainsi le régime d’épargne retraite, financé presque intégralement (5/6ième) par l’employeur, a été révisé en deux occasions sur la période.
Rien ne justifie que ces rémunérations complémentaires et avantages divers n’aient fait l’objet d’aucune décision de principe ou d’encadrement par le conseil d’administration, qu’elles ne figurent pas dans les contrats de travail. Rien n’explique non plus qu’elles aient été décidées par le directeur qui était lui-même l’un des bénéficiaires de ces mesures, en méconnaissance de son statut particulier de contractuel de droit public.
Ces avantages ont même été parfois dissimulés. Ainsi le remboursement annuel à chacun des salariés de 200 euros de dépenses personnelles réalisées à l’occasion de fêtes de Noël a-t-il été effectué sous couvert de frais professionnels, de 2011 à 2016.
Les coûts manifestement excessifs de certains éléments du « train de vie » ont ainsi été rendus possibles par l’aisance financière de l’établissement et l’absence de surveillance.
Des progrès restent encore à accomplir dans la fiabilité des comptes. C’est ainsi que l’on relève une omission de créance dans les comptes pendant trois exercices, des lacunes dans la tenue de l’inventaire des biens et même un cas de contraction irrégulière entre dépenses et recettes.
La chambre relève également que la Commission a pris en charge les frais de l’hébergement, à quatre reprises, de vice-présidents du conseil régional et à sept reprises d’une collaboratrice de cabinet qui accompagnaient la délégation de la Commission à l’étranger.
Les personnes concernées n’étant pas membres du conseil d’administration ni du personnel de la Commission. Leurs dépenses d’hébergement incombaient donc au conseil régional et devaient s’inscrire dans le cadre réglementaire applicable à ce dernier.
L’établissement a passé peu de marchés d’un montant égal ou supérieur à 90 000 € HT. La chambre a constaté, de façon répétée que des marchés à bons de commande relatifs à l’installation des salons des lieux de tournage, autorisaient l’achat de prestations non définies et à des prix indéterminés, ce qui est incompatible avec la réglementation. Dans un cas, le coût de ces prestations a même été diminué artificiellement en procédant irrégulièrement à la contraction des recettes et des dépenses. De plus, les achats courants de la Commission ont été réalisés souvent auprès des mêmes prestataires entre 2011 et 2015.
2016 – 2017 : La période des remises en question pour la Commission
Le changement de majorité, suite aux élections régionales de 2015, a induit un profond renouvellement du conseil d’administration et de la présidence de l’établissement. C’est ainsi qu’après avoir exprimé son intention de réduire le nombre et le coût des organismes rattachés, la région s’interrogeant sur le maintien de la Commission comme organisme autonome, a réduit sa subvention de fonctionnement de près de 600 000 euros (1/3 du budget). La région n’a pas non plus désigné les personnes qualifiées au conseil d’administration rendant son fonctionnement irrégulier depuis 2016.
La région a ainsi décidé de ne pas reconduire le directeur en poste et elle s’est même opposé à ce que le conseil d’administration en débatte, conduisant ce dernier à désigner une directrice par intérim. La région s’est également opposée à l’intention du président de soumettre au conseil la question du lancement de la procédure de recrutement sur projet d’un nouveau directeur, comme les statuts de la Commission le prévoient.
En 2016, la baisse de 38 % de la subvention régionale a été compensée pour moitié par la réduction du programme d’opérations (-38 %) et des dépenses de communication hors opérations (-50 %) et pour l’autre moitié par l’utilisation des excédents budgétaires cumulés. L’excédent cumulé a ainsi été ramené de 500 000 € à 200 000 € entre 2015 et 2016.
Dans ce nouveau contexte budgétaire, la poursuite, en 2016, d’une pratique d’augmentations salariales significatives pose question.
La reconduction en 2017 de la subvention régionale minorée en 2016 (928 000 €), malgré la consommation rapide des excédents cumulés, a été justifiée, notamment, par la baisse des dépenses de personnel issue du non remplacement du directeur et d’un chargé d’accueil des tournages.
Elle a conduit le conseil à adopter un budget en baisse de 18 % par rapport à l’exercice 2016.
La région doit désormais prendre une décision quant à l’avenir de la Commission
L’inquiétude des personnels quant à leur devenir, le fonctionnement irrégulier du conseil d’administration, le gel des remplacements (qui a réduit de 25 % l’effectif), la baisse importante du budget (réduit d’un tiers depuis 2015) et l’incertitude sur la viabilité des manifestations à organiser compromettent la continuité du fonctionnement de la Commission et le crédit qu’elle a acquis auprès de ses partenaires.
Pourtant, l’utilité même de ses missions de développement économique ne semble pas remise en cause. Il importe donc que la région prenne rapidement une décision sur les perspectives qu’elle entend donner à la Commission.
Dans l’hypothèse où le choix de la région serait de maintenir la Commission comme entité autonome et avec le statut d’établissement public de coopération culturelle, la chambre a émis plusieurs recommandations.
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RECOMMANDATIONS ET RAPPELS DU DROIT
Les recommandations qui suivent sont des rappels du droit :
Rappel au droit n° 1 : Respecter les dispositions du CGCT relatives aux EPCC et les statuts de la Commission.
Rappel au droit n° 2 : Restreindre le champ de la délégation accordée au directeur par le conseil d’administration.
Rappel au droit n° 3 : Respecter le cadre juridique applicable aux marchés à bons de commande
Rappel au droit n° 4 : Respecter la réglementation relative au statut d’agent de droit public du directeur
Les autres recommandations adressées par la chambre sont les suivantes :
Recommandation n° 1 : Recourir à l’avenir à une carte affaires adossée à un compte bancaire personnel du directeur.
Recommandation n° 2 : Renforcer la coopération institutionnelle au sein de la Commission, condition d’existence d’un EPCC.
Recommandation n° 3 : Renforcer les capacités du conseil d’administration en matière d’orientation, de décision et de contrôle de la gestion.
Recommandation n° 4 : En liaison avec l’agent comptable, reconstituer les documents descriptifs des biens de l’EPCC et mettre en concordance l’état de l’actif et l’inventaire du patrimoine.
Recommandation n° 5 : Adopter une convention collective nationale de référence pour les salariés de droit privé
Recommandation n° 6 : Faire délibérer par le conseil d’administration les avantages salariaux et sociaux applicables aux différentes natures et catégories de personnel de l’EPCC et faire référence à cette délibération dans les contrats de travail.
Recommandation n° 7 : Inciter le conseil régional à prendre une décision de fond sur l’avenir de la Commission du film