Créé en 2015, l’établissement public de coopération culturelle « Abbaye Royale de Saint-Jean d’Angély » a pour objet de conduire un projet culturel destiné à valoriser l’Abbaye Royale de Saint-Jean d’Angély et le territoire des Vals de Saintonge, soutenir la création et la diffusion artistique et participer à la formation de jeunes européens et des professionnels.
Sa création est marquée par d’importantes difficultés, qu’il s’agisse de l’absence de comptable public pendant plusieurs mois, qui l’a conduit à mettre en place des circuits financiers parallèles, ou l’insuffisante autonomie organique de cet établissement vis à vis d’une association dont il a repris les missions et personnels. A cela s’ajoutent divers dysfonctionnements de sa gouvernance : absence de fixation, dans les statuts, des montants des contributions minimales des collectivités membres, source de fragilisation de son existence et de son développement ; absence de règlement intérieur nécessaire à la qualité des travaux du conseil d’administration ; non-respect des compétences de ce conseil en matière de recrutement du directeur ou de commande publique. Le rôle du conseil d’administration paraît surtout amoindri par ses faibles prérogatives en matière d’information et de contrôle de la direction générale. Plusieurs situations d’opacité entourent des décisions du président ou du directeur, qu’il s’agisse de l’information tardive d’une situation de cumul d’activités du directeur, accordé dans des conditions juridiques fragiles, ou la mise à disposition gratuite à des tiers de prestations de services de l’établissement.
Le démarrage des activités de l’établissement a été affecté par plusieurs difficultés liées à la méconnaissance, par la direction générale, des fonctions administratives d’un établissement public. Le domaine des ressources humaines est particulièrement concerné : régularisations multiples de dossiers de paye, gestion délicate d’un dossier de détachement faisant apparaître une dette de l’établissement vis-à-vis de la collectivité ayant détaché l’agent concerné. Les irrégularités potentielles qui en découlent sont d’autant plus préoccupantes qu’elles sont de nature à exposer l’établissement à des risques contentieux si elles venaient à se renouveler. De même, le pilotage budgétaire n’est pas maîtrisé : atteintes à certains des grands principes budgétaires qui gouvernent l’élaboration et l’exécution des budgets des établissements publics de coopération culturelle ; comptabilité d’engagement embryonnaire qui ne permet pas d’établir le niveau des droits et obligations de l’établissement vis-à-vis des tiers. Des anomalies ont été relevées lors de l’examen de quelques procédures de passation de marchés publics. Le contrôle des régies gagnerait également à être renforcé.
Ces dysfonctionnements ont été aggravés par une collaboration institutionnelle de la direction générale avec les autres organes de gouvernance qui, selon les cas, fut tendue, maladroite ou inappropriée. En premier lieu, le conseil d’administration (CA) n’a pas été associé de manière satisfaisante à la gestion des dossiers de ressources humaines notamment : saisine tardive conduisant ce dernier à adopter des délibérations avec effet rétroactif, saisine inutile pour régler des situations de gestion incombant au directeur, confusion parfois des fonctions entre le CA et l’administration. En second lieu, de vives tensions sont apparues entre le conseil d’administration et la direction générale lors de l’adoption du budget primitif 2017 et ne paraissaient pas apaisées à la fin mai 2017. Enfin, les relations nouées entre l’ordonnateur et le comptable ont été délicates ainsi que l’illustrent les nombreux ordres de réquisition pris pour régler des dépenses de fonctionnement.
Au final, la création de l’établissement a pâti, dès sa création, d’un défaut d’anticipation qui a lourdement affecté son fonctionnement. L’absence de stratégie en matière culturelle, conjuguée aux carences de pilotage de sa direction, n’ont pas permis à l’établissement de nouer une relation de confiance avec l’ensemble des collectivités parties prenantes et d’amorcer la valorisation du site de l’abbaye royale de Saint-Jean d’Angély.
En avril 2018, la situation de l’établissement paraît fragilisée. Quatre des cinq collectivités membres se sont retirées de l’établissement ainsi que le permet l’article R.1431-9 du code général des collectivités territoriales, à savoir l’Etat, la région, le département de la Charente-Maritime et la communauté de communes Vals de Saintonge. Le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a expliqué cette décision par l’absence de convergence de vue, tant au plan financier que culturel, entre les attentes des membres institutionnels et la stratégie défendue par le président et le directeur de l’établissement.
A cela s’ajoutent les démissions du président du conseil d’administration et du directeur de l’établissement intervenues respectivement les 15 et 29 décembre 2017.
Le maintien de ces recommandations n’aurait plus de sens dès lors que la dissolution de l’établissement serait prononcée, ce que le président par intérim du conseil d’administration laisse entendre dans son courrier du 11 juillet 2018 adressé en réponse au rapport d’observations définitives notifié le 19 juin 2018.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : La chambre régionale des comptes recommande l’adoption de nouvelles dispositions statutaires afin de séparer plus nettement les actions entre l’association C et l’EPCC « Abbaye royale de Saint-Jean d’Angély » et préserver l’autonomie fonctionnelle de cet établissement.
Recommandation n° 2 : La chambre régionale des comptes invite l’ordonnateur à présenter au conseil d’administration une modification de l’article 30 des statuts de l’EPCC afin d’y ajouter le montant des contributions des collectivités membres.
Recommandation n° 3 : La chambre régionale des comptes suggère que la modification de l’article 30 des statuts, relatif aux concours des collectivités membres de l’établissement, s’accompagne d’un rééquilibrage des votes en fonction du poids de leurs contributions respectives.
Recommandation n° 4 : La chambre régionale des comptes rappelle à l’ordonnateur la nécessité de soumettre, à l’avenir, au conseil d’administration un projet de délibération entérinant le nom des représentants du personnel siégeant en son sein.
Recommandation n° 5 : Compte tenu des dysfonctionnements relevés et ainsi qu’en disposent l’article R. 1431-7 du CGCT et l’article 14 des statuts de l’établissement, la chambre régionale des comptes invite l’établissement à soumettre un projet de règlement intérieur au conseil d’administration dans les meilleurs délais.
Recommandation n° 6 : La chambre régionale des comptes recommande que le conseil d’administration puisse délibérer sur les orientations stratégiques de l’établissement, ainsi qu’en dispose l’article R. 1431-7 du CGCT précité et que, sur cette base, le directeur puisse établir un projet culturel susceptible de recueillir son accord.
Recommandation n° 7 : La chambre régionale des comptes rappelle à l’ordonnateur les obligations qui découlent de l’article 17 du statut concernant l’installation de ce conseil.
Recommandation n° 8 : La chambre régionale des comptes demande, d’une part, à ce que la règlementation relative au cumul d’activités soit appliquée avec plus de rigueur, de célérité et de transparence et, d’autre part, à ce que les prérogatives de l’assemblée délibérante en matière d’information et d’autorisation soient respectées.
Recommandation n° 9 : La chambre régionale des comptes demande la suppression de l’article 21 des statuts, relatif à l’état prévisionnel des recettes et des dépenses.
Recommandation n° 10 : La chambre régionale des comptes rappelle à l’ordonnateur la nécessité d’assurer régulièrement le contrôle des régies ainsi qu’en dispose l’article R. 1617-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et recommande à l’établissement de profiter de la nomination d’un nouveau comptable pour faire un point sur le fonctionnement des régies de recettes et d’avances, renforcer leur pilotage et fiabiliser leur comptabilité.
Recommandation n° 11 : La chambre régionale des comptes recommande à l’équipe de direction de respecter, à l’avenir, de manière plus rigoureuse ces grands principes budgétaires ainsi que les règles comptables qui leur sont attachées.
Recommandation n° 12 : La chambre régionale des comptes invite l’EPCC à actionner à l’avenir tous les leviers lui permettant de rehausser le niveau de ses ressources propres, en particulier sa politique tarifaire.
Recommandation n° 13 : La chambre régionale des comptes recommande à l’ordonnateur de veiller à ce que le traitement des situations individuelles puisse s’opérer avec plus de rigueur compte tenu des risques juridiques qui sont liés.
Recommandation n° 14 : La chambre régionale des comptes demande à l’ordonnateur de veiller au respect de la séparation des compétences en matière RH entre lui-même et le conseil d’administration.
Recommandation n° 15 : La chambre régionale des comptes recommande de soumettre au conseil d’administration, comme s’y engage l’ordonnateur, de nouvelles délibérations clarifiant les conditions générales de passation des contrats, conventions et marchés et d’acquisition de biens culturels ainsi qu’en dispose l’article R. 1431-7 du CGCT.
Recommandation n° 16 : La chambre régionale des comptes recommande d’apporter une attention particulière à la fixation des délais de procédure et de définir, en amont, un rétro-planning permettant un déroulement optimal des différentes étapes de passation des marchés, comme s’y engage l’ordonnateur.
Recommandation n° 17 : La chambre régionale des comptes recommande à l’établissement de saisir son conseil d’administration afin qu’il définisse un cadre juridique général concernant la gratuité des prestations et qu’il soit destinataire une fois par an d’un bilan financier afin d’en modifier le périmètre le cas échéant.
Recommandation n° 18 : La chambre régionale des comptes recommande à l’établissement de se doter d’outils lui permettant d’assurer un suivi rigoureux des réservations et de la facturation de l’ensemble de ses prestations de service, y compris celles qui sont attribuées gratuitement à des tiers.