RESUME SYNTHETIQUE
L’Opéra jouit à Rouen d’une longue histoire, mais le projet qui a conduit à sa renaissance après les difficultés de la régie municipale n’est pas nostalgique mais novateur. Constitué d’abord dans un cadre associatif puis, dès 2004, en établissement public de coopération culturelle (EPCC à caractère industriel et commercial), il est né de la volonté commune de l’État et des grandes collectivités locales. L’équilibre établi dès l’origine entre les financeurs (ville, région, mais aussi départements de la Seine-Maritime et de l’Eure) est unique, alors que dans plusieurs autres maisons d’opéra régionales c’est la ville seule qui domine. L’importance donnée à l’identité régionale de l’établissement et à la couverture du territoire est en conséquence très marquée et le devient de plus en plus avec l’affirmation de la région parmi les financeurs. Parmi les principales villes et les régions qui disposent d’un Opéra en région, Rouen et la Haute-Normandie figurent parmi les plus petites. Cela crée des contraintes de bonne gestion et le projet ne peut être viable que s’il est porté par plusieurs collectivités ayant défini ensemble des objectifs et une stratégie. Si la région accroît sa participation financière, la ville demeure un contributeur majeur qui « héberge » l’opéra au Théâtre des arts. Le statut d’EPCC a ainsi permis de réunir les grandes collectivités et l’État dans un cadre juridique et financier sécurisé.
Le cadre juridique n’a toutefois pas été respecté avec toute la rigueur souhaitable, pendant les premières années d’existence du nouvel établissement, puisque des manquements, notamment aux règles de la comptabilité publique, ont été constatés dès l’origine et corrigés tardivement. L’établissement, dans la continuité de l’association Léonard de Vinci, n’a pas suffisamment distingué à l’origine les fonctions de l’ordonnateur et celles du comptable. Or ce principe de séparation doit s’appliquer sans ambigüité. Quant à la gestion de certaines activités annexes (notamment le bar), elle a nécessité une sérieuse remise en ordre, intervenue progressivement à partir de 2006-2007. Ce statut, accompagné d’une gestion budgétaire maîtrisée, a donné à l’établissement, notamment en matière de personnel, la souplesse qui sied à une entreprise de création artistique et l’importance du levier artistique qui en résulte donne à l’Opéra un réel avantage compétitif.
Après la remise en ordre des pratiques comptables et de l’organisation, l’Opéra est soumis à la nécessité de renouveler son projet pour porter plus haut son ambition, comme l’attendent les financeurs qui le soutiennent avec constance. La réglementation oriente la gouvernance de l’établissement vers une pratique confiante d’engagements et de contrôle autour d’un cahier des charges et de contrats d’objectifs qui équilibrent les rôles : exigence nécessaire du conseil d’administration, autorité incontestable du directeur sur l’établissement qu’il dirige et son équipe. Le projet présenté par ce dernier au conseil d’administration dans le cadre de son recrutement (2009) est la première étape de ce processus. Le rôle de chaque acteur – conseil d’administration, directeur général, artistes en résidence, autres artistes sous contrat – doit être strictement délimité afin de concourir harmonieusement au succès du projet artistique. Les responsabilités du directeur sont considérables, mais il ne peut réussir qu’avec la confiance et le soutien attentif de ses principaux financeurs, dans le respect des textes règlementaires qui organisent la « gouvernance » d’un EPCC. La réalisation maximale et au moindre coût des objectifs des contributeurs, qui apportent 85 % des ressources (y compris désormais la CREA), est une question centrale. Les orientations du cahier des charges initial ont été, dans l’ensemble, respectées. Leur approfondissement, leur élargissement et leur contrôle ne sont que la contrepartie et la justification du bon emploi des fonds publics. Le « retour » attendu par les collectivités publiques est complexe : l’Opéra est pour elles porteur d’un rayonnement et d’une créativité que les fondateurs ont recherchés avec insistance dès l’origine ; mais les valeurs d’excellence et de rigueur font aussi partie de celles dont un établissement public est le garant.